UNE RENCONTRE

VERS SOI (2)

UNE RENCONTRE

Lorsque, sans relâche, mes pas, pour peu qu’ils se perdent en des méandres sans intentions ni but pour moi apparents, ou réfléchis par moi ; quand ils se font tranquilles, mes pas, prudents, sur le qui-vive, hésitants par moments, comme cherchant leur chemin.
Alors…
Au soir tard entre chien couchant et loup paraissant. Au devenir d’un ciel s’assombrissant tentant s’installer dans les interstices des reflets lumineux s’attardant, juste là où ils bordurent encore l’horizon de leurs liserés d’argent visibles au bout des rues et ruelles où ils me font flâner.
Alors…
Je regarde. Inspecte. Analyse. Découvre. Des toits se découpant d’entre les crinières dressées de peupliers somnolents simulant des dormants debout. Des façades s’érigeant, inégales, contiguës, austères, toutes, sauf quelques unes. Des fenêtres. Au travers desquelles commencent à poindre des jets de lumière, dont celles qui s’allument précisément à l’instant où mes yeux s’y posent. Du moins il me paraît. Et des portes. Closes. Toutes. Puis des patios et des jardins. Flanqués à rue. Ou plus loin à l’arrière. Le long d’un garage. Le long d’une remise. Ou d’un sentier y menant. Et plus au lointain encore, si cela est de leur goût, ils m’entraînent. Mes pas. Me faisant aboutir près d’une chapelle. Près d’une grange. Puis d’une clôture. Barbelée. Gardant les vaches d’un pré. Assoupies. Ruminant. Pour me laisser entendre, cela est net, s’élevant d’entre l’engoncement des bouleaux têtards, le chant de l’infatigable ruisseau en contre-bas qui coule son cours de son eau lucide, ne cessant de s’épandre sous l’éclairage de lune dont les rayons dardant se plaisent à le faire scintiller. Par endroits. Scintillements que j’aperçois. Fugaces feux-follets.
Le jour de même. Point d’alternance dans la quête. En mode perpétuel quasi. Si ce n’est la lumière. Ses nuances. Tous les gris. Tous les jaunes. Tous les parmes. Tous les bleus. L’on y voit sous le ciel diurne. Dès tôt matin, et encore dans l’incertain d’une aube le cédant à l’aurore. Et l’évasion à laquelle alors ils me convient prend allures de promenades exploratoires lors desquelles je deviens l’étrangère en ces lieux où ils leur convient de me faire aller. Sans me conduire à revenir en arrière. Et je les suis. Par besoin. Par envie. Par désir. Par souhait. Car quelque chose m’attend, je le sais, depuis longtemps quelque chose que j’attends m’attends, je le sens. Quelque chose qu’il m’est indispensable de trouver, donc de chercher sans cesse, inlassablement, en marchant dans mes pas les suivant. Et qui mieux que mes pas pourraient me conduire là dont je ne sais où c’est ; pour y trouver ce dont je ne sais rien. Si ce n’est qu’il s’agit d’un endroit auquel j’aspire et où je me laisse porter de ma pensée entière, de mon être, de mes émotions et ressentis au fil de mes pas, leur faisant confiance. C’est cela que je ressens alors, et sens grandir en moi aussi vite qu’ils me mènent, mes pas : l’attente. L’espoir même devrais-je mieux dire, [et je me corrige], car oui c’est l’espoir incommensurable de découvrir un lieu que je suis inlassable de trouver qui motive mes pas. Et me somme de les suivre.
Un lieu qui m’attendrait.
Depuis toujours.
Depuis enfant.
Un endroit. Qui ne serait pas l’envers d’autres, connus déjà, mais serait lui-même, sans empreintes autres que les siennes. Inscrites dans son volume. Dans lequel l’espace. Dans lequel la lumière. Dans lequel les couleurs. Dans lequel les formes. Propres. Dans lequel tout cela qui lui serait propre, bien à lui, seul à lui. Oui. Et me l’offrant. Mouvant. En devenir. Modulable. M’ouvrant ce qui ne s’y voit mais s’y perçoit. Le passé. Le parcours. Le sceau de ce qui y fut. Imprégné en souvenirs. Leurs murmures. Leurs pesances. Et leurs imageries. Archaïques. Et leurs narrations. Fondatrices. Et leurs symboles. Diserts. Réuni, tout cela, dans un incontestable réel puisque matériel. Une anticipation.
Une introspection. Un volume résonnant. Un espace chuchotant sa souvenance y donnant à entendre ce qu’il aurait à révéler. Et où je viendrais ramasser, pour reconstruire dans l’exacerbation de son mystère, ce qui donnerait corps à cet endroit qui serait mien car le devenant en ce qu’il le fut. Avant. Avant ce temps d’une rupture. Ce temps d’une ligne de démarcation au-delà de laquelle il ne m’était plus accès.
Voilà, au fil de mes pas si il se pouvait qu’ils m’y conduisent, voilà ce qui fait frémir mon cœur et soupirer mon âme et préoccuper mon esprit, d’office, l’attente à tant vouloir le trouver, le rencontrer, lui être présentée, à cet endroit entièrement à recomposer. Au centre duquel mon imaginaire pourrait trouver, ce faisant se faisant justice, à se matérialiser ; et hors duquel nul ne pourrait plus le forcer à s’aventurer. Car il y serait légitime. Il y serait, enfin, chez lui car chez moi, sans désir d’alternative autre encore en cet endroit puisque se complétant dans la plénitude aboutie de cette rencontre.
Une rencontre.
Là le vocable signifiant le mieux, et le plus pleinement, cette anticipation à laquelle m’invitent mes pas. Une rencontre. Dont l’image restera informe tant qu’elle n’aura pu être investie de la collision frontale qu’elle produira en mon imaginaire. Et de ce qui en résultera.
[NB.: Les néologismes sont droits d’auteur.]
© – « Une rencontre »
In : «Traits en Jets… Recueil en Devenirs»
Vande Voorde ML. Dominique – Ce 23 avril 2017
[Sous licence (CC/BE) – Creative Commons Belgium]
CREDIT PHOTO : Auteur Inconnu (sous réserve)

Et qu’enfin justice se fasse…




Composé en 2013, il me revient là devant le nez.
Je l’ajoute à la date du jour.
Peut-être lui sera-t-il accordé audience…




ET QU’ENFIN JUSTICE SE FASSE !




Mais va donc toi !
Car qu’aurais-tu pu me dire que je ne sache déjà ?
Assez il en fut de désolations et de pleurs et d’absences de joies !
Partant, si d’aventure nos chemins proches finalement se croisaient,
Qu’il te souvienne, toutefois, qu’en une autre vie tu me connaissais…
Mais dis-moi ?…
En tes pensées et songeries secrètes, si colères il y a,
N’emporte point ces courroux ni ces biles vers ta destinée au-delà.
Laisse ici tes amertumes et rancunes, tes haines et griefs et venins.
Il n’y aura là pour eux d’espace encore…
Tu les traînaillerais en vain !
Puis, regarde !
La ligne d’horizon t’accueille de ses feux rouges-grenat !
Ne crains-tu d’y être hué, toi le parjure, le tortionnaire, l’apostat ?
Dans ces contrées où demeurent les âmes,
Si tant est qu’elles y tiennent,
Pour sûr,
Il te faudra implorer la clémence de celles qui se souviennent.
Qu’allais-tu préjuger ?
Que les mémoires vives dans la mort expirent ?
Et que de tes forfaits commis il se puisse qu’il n’y ait plus à en dire ?
Mais voyons…
C’est lors du dernier soupir  que s’exhalent les mémoires
Qui te mèneront en vigiles
Jusques aux seuils des immuables désespoirs…
Ah ! Toi qui n’eus point de garde.
Te croyant omnipotent en tes vilenies.
Persistant sans relâche.
Acharné en tes besognes d’odieuses calomnies.
Sans contrition jamais.
T’érigeant en censeur des libertés et bonheurs.
Dédaigneux, tu cheminais,
Écrasant sous tes pas les plus graciles candeurs.
Ne doute de châtiments accrus eu égard à ceux que tu prescrivais alors ;
Et que tu ne connaîtras ni répit ni sursis et seras livré aux cuisants remords.
Car il est d’équité qu’à l’heure où le mécréant se rompt, abdique et trépasse
Sonnent, stridents, les orphéons des innocents… Et qu’enfin justice se fasse !
© – « Et qu’enfin justice se fasse »
In : «Traits en Jets… Recueil en Devenirs»
Vande Voorde ML. Dominique – Le 7 novembre 2013
[Sous licence (CC/BE) – Creative Commons Belgium]

LE MAQUIS


Il me semble maintenant que le temps qui me fut si long va devenir très court … Il sera, peut-être, celui des expériences qui feront le contenu des à venir … Mais je doute … Tellement toujours … Au point d’en rester amorphe … Pourtant il me faut écrire … Sachant, sachant oui, que si je n’accomplis pas ce destin qui me paraît être mien, ce sera comme de dire que j’ai faillis … Et que je serais, alors, condamnée à ne pas mourir en paix … Le maquis, ce n’est pas dans les bois ni dans les montagnes … Pas nécessairement … Le vrai maquis est dans la tête … J’ai bien réfléchi de ces jours ci … Le maquis, c’est l’indépendance de la pensée et de l’esprit … Une conquête … Il arrive que j’ose comprendre pourquoi il m’a fallu traverser l’enfer et le désert … Parce qu’il me fallait bien les connaître pour en témoigner … C’est la capacité, non pas du renoncement à tout système, mais bien celle du mépris du “Système” … L’autonomie du Soi malgré lui … Par devers lui … En dépit de lui … La nuit est pareille à une retraite du tout … Quand plus rien ne bouge la concentration est intensifiée grâce à ce sentiment de statique … L’ennui c’est que je pratique les deux trop souvent … Je blanchis mes nuits et colore mes jours … Le pire, c’est que ça marche … Ha ha !… La nuit me donne le sentiment d’être isolée dans une bulle opaque où ma pensée serait confrontée à elle-même et se répercuterait en moi … C’est un sentiment … Je disais bien cela … Et puis vient le jour … C’est la nuit qui lui donne naissance … Pas l’inverse à mon avis … La lumière jaillit de l’obscurité … Toujours … Selon moi … Et quand arrive l’heure ultime où, tout de même, il me faudrait aller me coucher, je renonce … Et vient poindre le jour sur mes contrées … J’aime l’aube … Il m’est fréquent de voir se dessiner l’aurore et de m’en sentir soulagée … C’est une délivrance … Et surgissent alors, soudains, des rêves comme des traineaux dans les neiges de Sibérie … Ou des traversées du désert à dos de Méhari … Suis je folle donc !…
© – « Le Maquis »
In : «Traits en Jets… Recueil en Devenirs»
Vande Voorde ML. Dominique – Compilé ce 5 novembre 2016
[Sous licence (CC/BE) – Creative Commons Belgium]

Rien n’y fit…

 

Depuis qu’en ce monde venue, j’ai tenté la parade. Puis, la boutade.
Et la désertion. Enfin, j’ai même tâté de l’esquive. Par pure bravade.
J’ai tenté. Me soustraire. Aux dérives. Pardon. Ai voulu m’incliner.
J’ai essayé… Par lassitude. Soudain. N’ai plus cru bon de parler.
Affolée de visions; saoulée; me suis bandé les yeux… Me cachant.
Assourdie de cris; hantée de clameurs; me suis percé les tympans.

Mais rien n’y fit…

Car il était mon destin de ressentir, de voir, d’entendre et savoir.
Et m’était dévolu de ne pas me taire. Ni de m’extraire. Par devoir.

Alors j’ai porté à mes lèvres la coupe si amère de vos œuvres, humains.
Condamnée, en ce monde, par gorgées lentes, à déglutir vos desseins.

MandraGaure/R_B

Marchienne-au-Pont – Ce 10 août 2014

L’image : « L’Âge Mûr » – Chef-d’Oeuvre de Camille Claudel – 

http://www.imagesdubeaudumonde.com/article-camille-claudel-a-l-honneur-au-musee-rodin-120761333.html

…GAZA…

 

Comment a-t-elle fait pour ne rien entendre ?

Et ne pas voir non plus tous ces nuages noirs…

N’avoir pris garde aux signes ? Les surprendre ?

Pourtant devenus si évidents à l’approche du soir.

Comment a-t- elle pu à ce point se méprendre ?

Et ne pas déceler ces vacarmes l’environnant ;

Ne se souciant, désinvolte, et sans craintes,

Que de sa simple personne, paisible, flânant.

Comment a-t-elle cru être seule dans la plaine ?

Sans s’alarmer des fissures et cratères partout…

De pensées lascives foulant l’herbe en graines,

Ne croyant point, surtout, à l’existence du loup.

C’est soudain, car toujours est soudain le danger

Lors qu’il se dévoile ; qu’elle tombait à genoux

Sous la déflagration surprenante, contiguë, et

Laquelle teintait l’horizon en rouges et roux.

Or que promptement, par silhouettes hâtives,

Une ribambelle d’enfants accourait en hurlant

Tels biches aux abois, trébuchant, puis furtives

Par la main se tirant, avec peine droit se tenant ;

Poursuivis d’une horde, non de bêtes assoiffées;

Ni de monstres; mais d’une horde d’humains

Tenant, CALÉS sous l’aisselle, âprement plaqués,

A leurs flancs, des mitrailleuses… Les gredins !

Comment a-t-elle pu rester là sans ne rien faire ?

Ne parvenant à se lever ni à hurler ou appeler…

Comment n’a-t-elle pu se précipiter, volontaire ;

S’élancer vers ce groupe de mioches éparpillés ?

Ayant entre langue et palais goûts de cendres,

Aux yeux les feux et aux tympans crépitements

D’un incendie allant dans les arbres se répandre

Sur la ligne où les confins s’étiraient. Flamboyant.

Ne parvenant pas même à leur tendre les bras,

A en sauver un seul en le prenant contre soi…

Car douloureuse de repentir, et exsangue déjà,

De son sang se vidait. Se mourait. Je le crois.

MandraGaure

Marchienne au Pont – Ce soir – Entre 21:47 et 24:23

…L’image…

«C’était là-bas que le second bombardement a frappé la plage, ces coups de feu visant apparemment les survivants qui fuyaient le site. Au moment de l’explosion, les journalistes présents sur la terrasse ont crié : «Il n’y a que des enfants !»

(The Guardian: 16 juil 2014)

L’artiste israëlien Amir Schiby a crée une image de

Ahed Atef Bakr

Zakaria Ahed Bakr

Mohamed Ramez Bakr

Ismael Mohamed Bakr

Pour honorer leur tragique et courte vie.