"Les bombes et les chaînes"
Vivre, je t’ai dit, vivre !…
Et tu ouvris les yeux …
Et tu vis …
…
…
Tu vis oui …
…
…
Le monde et sa haine …
Les humains et leurs chaînes,
La planète et ses peines,
Les murs des prisons,
Les révoltes souterraines,
Les gorges fermées,
Les cris amputés, les baîllons,
Tu vis …
…
…
Les intérêts, les spéculations, les misères,
Les bombes et les guerres,
Les enfants affamés,
Les droits que l’on fait taire,
Et les cheminées nucléaires,
Les asiles cadenassés, loin retirés.
Tu vis …
…
…
Les mensonges, les trahisons,
Les espoirs, les abandons, les déceptions,
Les amours violentées, les cupidités,
Les traîtrises et les spoliations,
Et les ouvriers chagrins,
A l’aube aux portes du turbin,
Les routes d’asphalte et de béton
Traversant les paysages,
Les voitures rapides
Aux conducteurs sans visages.
Tu vis …
…
…
Les arbres décimés,
Les forêts brûlées,
Les montagnes ravagées,
Les plaines saccagées,
Les villes érigées
En tours aux mille fenêtres,
Les villages oubliés,
Les écoles fermées,
Les gares champêtres reniées,
Les chemins de fer aux passages d’enfer.
Tu vis …
…
…
Les poubelles de l’aurore hantées
Par des humains en loques et la galère …
De quelque mendiant matinal,
Inconnu numéro hors société,
Partageant son butin frugal
Avec un chien maladif ou un chat efflanqué.
Tu vis, oui …
…
…
Ouvrant grands tes yeux étonnés,
Dans le matin brumeux et glacé,
Tu vis la fille de joie toute en tristesses
Seule sur le pavé,
Blasée, défigurée de routine,
Retournant vers son quartier.
Tu vis …
…
…
L’argent, la bourse,
Le change, l’exchange,
Les paris, les loteries,
Les courses, les malversations,
Les chiffres gonflés et surfaits,
Les portefeuilles à action,
Les magouilles monétaires, les banques,
Ces artisans des nos manques,
Le trafic des armes,
La consommation des morts,
Les pourcentages multipliés
Les génocides, les massacres organisés.
Tu vis …
…
…
La politique et ses combines,
Ses rictus peints, ses sourires feints,
Ses campagnes, ses trombines,
Ses cyniques discours et débats,
Ses promesses à trois sous,
Ses courbettes à paillettes,
Ses manipulations à la télévision.
Tu vis …
…
…
Les écrans et les murs de ta ville,
Saturés de publicité, d’images mobiles,
Vantant des bimbeloteries à consommer,
La pagaille superflue des objets inutiles,
Les marchands de vent et de dérision,
Le commerce du rien, les simulations,
Les falsifications, les futiles mitrailles,
Et les douze coups de minuit,
Et l’an Noël, et l’an neuf, pas une faille …
Tu vis …
…
…
Ceux qui n’ont pas même le pain
A donner à leur gamins, à leur marmaille,
Tu compris …
…
…
Que le monde s’emballe et dérape,
Qu’il tourne vers sa perte par la déraison.
De labyrinthes en béton
Aux dédales en carton,
D’immeubles mal bâtis
Aux bidonvilles, aux cités.
De salon de vacances,
A boustifailles en abondance,
Du peintre surévalué,
A l’artiste oublié, conspué, hué,
Du livre d’amours dégoisées,
Aux lignes dissidentes hurlant la vérité,
Tu vis …
…
..
Les magouilles, les scandales, les fictions,
Des scénario pour jambes en l’air
Aux film “spécieux” pour amateurs de chair,
De l’enfant bafoué, asservi, perverti, sali,
Du bureau enfumé où se gravissent les échelons
A l’atelier clandestin, surpeuplé, obscur
Aux mains laborieuses sans noms,
La sueur des braves bues par les requins rusés,
Tu vis …
…
…
L’humain, ton ‘prochain’ pris en tenaille,
Tes frères et soeurs asservis, misérables,
L’humanité forcée à la marche à reculons.
Tu vis …
…
…
Et tu fermas les yeux
Devant cette vision insoutenable,
Et tu lui tournas le dos
Nayant plus rien à rêver de valable,
Et tu t’en allas loin,
Et désolé,
Perdant toute illusion.
…
…
MandraGaur’En Individu’Elle
…
…
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